Le bois offre des possibilités et une facilité de réalisations architecturales avec lesquelles les autres matériaux de construction peuvent difficilement rivaliser. Dès l’antiquité, le bois a été un matériau essentiel dans la construction, dû principalement à son abondance et ses propriétés, en particulier sa flexibilité, sa force et même sa malléabilité [1]. À la lumière des défis environnementaux auquel l’architecture fait face aujourd’hui, le bois n’est plus perçu comme un matériau démodé, nostalgique ou enraciné dans le passé, mais de façon croissante, reconnu comme l’un des matériaux de construction les plus prometteurs pour le futur. Les récentes années ont vu une innovation sans précédent, apportant de nouvelles technologies pour l’avancement de l’architecture en bois [2].

Le bois; un matériau naturellement variable

Le bois est un matériau biologique, non-homogène qui offre de nombreuses variations naturelles. Sa croissance orthotrope (qui pousse à la verticale) lui confère des propriétés bien spécifiques comme l’anisotropie (propriété d’être dépendant de la direction). Le sens dans lequel le bois est utilisé, parallèle ou perpendiculaire au grain, lui confère des propriétés structurales qui peuvent grandement varier. De plus, le bois est facilement usinable, il est donc possible de le travailler afin d’obtenir différentes formes [2] [3]. De plus, son esthétisme naturel est largement reconnu et en fait un matériau de prédilection lorsque l’on veut ériger des bâtiments ou des structures pour lesquels cette recherche de la beauté est essentielle et prioritaire.

Le bois est un matériau multifonctionnel. Il est particulièrement passionnant puisqu’il peut être transformé en de multiples produits, du bois brut de construction à des planchers vernis et des meubles luxueux [4]. De plus, le bois est disponible presque partout sur la planète, ce qui en fait un matériau local. Il est utilisé depuis des siècles dans des bâtiments d’envergure.

Siège social de la CNESST (Québec)
Crédit photo : Stéphane Groleau
Architecture : Coarchitecture et Lemay-Michaud
Fournisseurs de bois : Structure Fusion et Ébénisterie R. Daigle & Associés inc.

De nouveaux produits d’ingénierie en bois

Les diverses possibilités qu’offrent les structures massives en bois sont dues à deux caractéristiques, soit sa structure monolithique (formé d’un seul tenant qui forme un ensemble rigide et homogène) et sa très grande portance. En effet, actuellement la portée de certaines structures en bois lamellé-croisé (CLT) ou bois lamellé-collé (Glulam) peuvent atteindre aisément des portées supérieures à 100 mètres avec des ossatures en arc [5].

Les différentes techniques actuelles de laminage permettent d’homogénéiser le matériau et de le transformer en différents produits de bois d’ingénierie, qui sont considérés comme des matériaux de construction plus génériques mais qui conservent certains des avantages du bois. Le progrès technologique a non seulement rendu plus facile de décomposer la grume naturelle en pièces détachées, mais aussi de réorganiser sa substance en nouveaux produits à base de bois qui ressemblent à peine à l’arbre dont ils sont issus.

« Les progrès de la transformation industrielle du bois et de l’ingénierie sont particulièrement visibles dans les domaines suivants : la transition d’éléments en bois linéaires qui ressemblent encore à la direction de croissance naturelle et à la morphologie fonctionnelle de l’arbre, à des produits en grandes plaques tels que le contreplaqué, les panneaux de fibres ou le bois lamellé-croisé. Grâce à cette réorganisation et à ce réassemblage du matériau, le bois a étendu ses possibilités de construction au-delà des poutres et des grilles vers des structures de plaques et de surfaces, offrant ainsi de nombreuses possibilités vers de nouvelles applications architecturales. Aujourd’hui, les designers, les architectes et les ingénieurs peuvent puiser dans un vaste réservoir de possibilités pour repenser le bois, que ce soit en utilisant les traits naturels du matériau ou ses caractéristiques comme moteur de conception, soit en tirant pleinement parti de la reconfiguration du matériau grâce à des techniques de pointe » [4].

Le bois se travaille très bien au niveau industriel et sa forme peut être modifiée grâce au procédé de cintrage à la vapeur, inventé par Michael Thornet à la fin du 19e siècle [4]. Cette opération de cintrage (ou pliage) permet d’obtenir aisément des formes très précises et spécifiques qui permettent la création de bâtiment aux designs uniques.

Plieuse à bois – cintrage à la vapeur
Crédit photo : CIRCERB

Les possibilités offertes par le bois se sont encore amplifiées avec l’invention de panneaux de bois lamellé par Karl Schmidt, un fabricant de meubles, au début du 20e siècle [4]. Par la suite, d’autres usages pour le bois lamellé ont été développés, entre autres pour le secteur de la construction. Aujourd’hui, l’utilisation de ce type de matériaux (lamellé-croisé, lamellé-collé…) est très répandue et son utilisation est maintenant très commune que ce soit dans la construction résidentielle, institutionnelle, industrielle ou les installations sportives.

Il est aussi possible d’utiliser le processus de séchage du bois afin de lui donner la forme souhaitée par torsion. En fait, il s’agit d’utiliser ce puissant processus naturel afin d’obtenir la forme souhaitée, comme ce fût le cas pour le projet de la Urbach Tower en Allemagne [6].

Bois lamellé-croisé obtenue par torsion – Usine Art Massif (Saint-Jean-Port-joli)
Crédit photo : CIRCERB

D’autres possibilités de création architecturale sont en émergence dans les projets en construction bois. Pour n’en citer que deux, l’utilisation des techniques de pli-origami et le système de gaufrage ont été analysés par Zoe Tolszczuk-Leclerc dans le cadre de ces travaux de maîtrise au sein de la Chaire Industrielle de Recherche sur la Construction Écoresponsable en Bois (CIRCERB) [7].

Le pli, basé sur l’origami (art du pliage de papier Japonais), est une méthode utilisée pour des structures en bois de faible épaisseur. Son utilisation avec le matériau bois en tant que structure n’est pas une approche encore très répandue. L’usage de l’origami en construction bois est en constante évolution et de nouvelles formes sont découvertes quotidiennement. Dans ce système, les plis composent des arcs ou des portiques qui vont imposer une typologie de dôme ou de bâtiment en longueur (gymnases, entrepôts, églises) puisque les plis ont la capacité d’atteindre de grandes portées.

Figure 1 : Principe structurel de l’origami.
Crédit : CIRCERB

Quant à lui, le système de gaufrage est une méthode qui est mieux adaptée lorsqu’on fait face à un volume libre et qui utilise le principe de la grille comme système constructif. Il peut être utilisé avec un matériau d’ingénierie en bois structurel tel que le bois de placages stratifiés (LVL).

De nouvelles technologies

Grâce à de nouvelles technologies informatiques de pointe, de nouvelles possibilités architecturales s’invitent dans la construction en bois. En effet, les derniers développements technologiques en matière de conception, de calcul, de simulation et la fabrication numérique offrent des perspectives architecturales, d’ingénierie et de fabrication très prometteuses [2].

Le co-développement des processus informatiques et de la fabrication contrôlée par ordinateur ont permis de mettre en place des processus de conception et de représentations géométriques afin d’établir un lien plus étroit entre le modèle informatique et la réalité matérielle. Le développement de l’usinage à commande numérique a déclenché le développement de systèmes de conception assistée par ordinateur et, aujourd’hui, l’adaptation de systèmes robotisés dotés de capteurs oblige à repenser les processus de conception [2].

Toujours dans le cadre de ces travaux de maîtrise au sein du CIRCERB, Zoe Tolszczuk-Leclerc a explorée le développement d’un concept architectural en bois lamellé croisé (CLT) à géométrie complexe dans une approche de préfabrication numérique 3D. Le projet choisit était le réaménagement de la toiture-terrasse de la gare maritime du Port de Montréal sur la Jetée Alexandra. L’objectif étant de créer des structures dans le cadre de projets d’architecture à géométrie complexe, et cela en utilisant le matériau bois, en remplacement des structures en béton et acier. L’utilisation de la tessellation (la tessellation consiste à subdiviser une surface courbe en une multitude d’éléments plans), permet de créer des structures aux formes très complexes et cela rapidement et économiquement. Ces structures doivent être issues d’une conception intégrée par des équipes multidisciplinaires incluant l’ingénieur de conception mais aussi tous les autres intervenants au projet [7].

Figure 2: Illustration graphique du projet de toit-terrasse de la jetée Alexandra du Vieux-Port de Montréal.
Crédit : CIRCERB
Figure 3: Résumé graphique du procédé de design intégré de la structure.
Crédit : CIRCERB

Trois exemples d’architecture innovante en bois près
de nous.

1- Pavillon d’accueil du parc de la rivière du moulin, à Saguenay.

Dans un esprit de partenariat entre les différents corps de métier, l’agrandissement du pavillon d’accueil situé à Saguenay est un exemple de construction en bois d’ingénierie réussi. Dans ce projet qui offre une architecture bien particulière qui s’inspire d’une projection mathématique appelée hyperboloïde parabolique, les possibilités de création architecturale avec le bois ont été clairement mises de l’avant. Ce bâtiment de plus de 600 mètres carrés est composé de poutres et colonnes apparentes en bois lamellé-collé qui offrent une esthétique hors norme [8].

Crédit photo : Ville de Saguenay
Architecte : Daniel paiement architectes
Ingénierie : Groupe conseil Roche Limitée
Entrepreneur général : Adrien Desbiens et fils Construction
Fournisseur de bois et usinage : Nordic Structures, Charpenterie de Chicoutimi & Charpentes Montmorency

2- Institut culturel cri Aanischaaukamikw

« L’Institut culturel cri Aanischaaukamikw est à la fois un centre culturel, un musée, un centre d’archives, une bibliothèque et un centre d’enseignement. Établi dans un édifice à l’architecture spectaculaire inspirée des habitations traditionnelles cries, Aanischaaukamikw est un lieu consacré à la préservation, au maintien, au partage, à la commémoration et à la pratique de la culture crie » [9]. Cette construction bien particulière ne pouvait être conçu autrement qu’avec le bois afin de s’inspirer de la tradition Cri., De plus, les produits apparents en bois utilisé permettent une meilleure acoustique et crée une atmosphère invitante [10]. « Le concept audacieux de l’Aanischaaukamikw, avec ses poutres massives en bois lamellé-collé d’épinette, s’inspire de la structure de base des habitations traditionnelles cries appelées sabtuan. Tout en s’efforçant de créer un objet poétique dans le paysage de cette communauté, les architectes ont cherché à concilier les traditions de construction cries avec les techniques de construction contemporaines. L’utilisation d’éléments structurels courbes en bois de pin noir lamellé certifié FSC de Nordic Structures a été non seulement clairement bénéfique pour l’industrie régionale, mais aussi symbolique puisque le sapin, le cèdre et l’érable ont aussi été utilisés pour rappeler l’importance de la forêt pour la nation crie » [11].

Crédit photo: Mitch Lenet
Architectes: Rubin & Rotman associés architects & Douglas Cardinal Architect
Structure : SNC-Lavalin
Entrepreneur général : Aecon Group
Fournisseur de bois : Nordic Structures

Dans le même esprit, dans le cadre d’un essai effectué au sein de la Chaire Industrielle de Recherche sur la Construction Écoresponsable en Bois (CIRCERB), Julien Daneault étudiant en Architecture a effectué des travaux sur les possibilités de construction de résidence innovante en bois pour la communauté Inuite de Quataq au Nunavik. Dans le cadre de ses travaux il a développé un concept d’habitation social dont le matériau bois est l’élément principal. En effet, le bois permet de créer des bâtiments qui intègre parfaitement les morphologies présentes dans le paysage naturel d’un climat nordique [12].

Crédit: Julien Deneault (CIRCERB)

3- Parc des iles de Boucherville

Une fois de plus, ce projet est issu d’une étroite collaboration entre les différents partenaires du projet, architectes, Ingénieurs et la Société des Parcs du Québec (SEPAQ). Bâti dans un esprit de développement durable et un souci d’une architecture libre et innovante, le revêtement extérieur de ce bâtiment a été construit en cèdre de l’Est (une essence locale). « Les pourtours ondulés ont été méticuleusement placés pour minimiser la coupe d’arbres sur le site et encourager le visiteur à se promener autour du bâtiment en découvrant progressivement l’espace. Le mouvement fluide est accentué par un voilage texturé : une succession de lattes de bois couvrant le revêtement tout autour du bâtiment. Ce voilage agit également comme filtre lumineux et produit des ombres dansantes
au sol qui rappellent le feuillage des saules avoisinant » [13]. « Sa toiture aux formes fluides, qui assume l’épaisseur tout étant très aérienne, constitue un élément signature bien maîtrisé. À l’intérieur, la fluidité des lignes se poursuit et est rehaussée par le choix des luminaires. » [14].

Crédit photo: Adrien Williams (V2com)
Architecte: Smith Vigeant Architectes
Ingénierie : WSP et Bouthillette Parizeau
Entrepreneur général : Construction R. Bélanger

Basé sur les connaissances que nous possédons aujourd’hui sur le matériau bois, nous pouvons aisément prédire que le plus important matériau de construction dans le passé sera aussi l’un des plus important dans le futur [2].

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