Encore peu utilisées en Amérique du Nord les résilles en bois incarnent un mode constructif qui a beaucoup à offrir. Les résilles se définissent comme une grille composée de membrures adoptant le comportement d’une coque. Elles peuvent être construites en utilisant plusieurs configurations de treillis et différents matériaux, dont le bois.

Les résilles se présentent comme une alternative intéressante pour matérialiser des formes architecturales complexes rendues possibles grâce aux nouveaux outils de modélisation numérique. Ces structures ont l’avantage de pouvoir prendre des configurations très variées tout en présentant un ratio volume/matière inégalable. En d’autres mots, les résilles en bois permettent de réaliser de grands volumes tout en utilisant une quantité minimale de matière.

On retrouve deux grandes familles de résilles qui se distinguent par le processus d’érection du bâtiment. Les résilles élastiques sont formées à la base d’un réseau plat d’éléments continus non pliés et déformés sur le site dans la forme désirée. Dans le cas des résilles rigides, les ouvriers cintrent les membrures en usine en fonction de la géométrie finale et les assemblent ultérieurement sur le chantier.

Exemple de résille élastique, le Weald and Downland – Singleton (Royaume-Uni) (Crédit photo : Philippe Charest)
Exemple de résille rigide, le Crossrail Place, du Canary Wharf – Londres (Royaume-Uni) (Crédit photo : Philippe Charest)

En raison de son faible poids et de sa grande capacité de déformation avant rupture, qui le distingue de l’acier et du béton, le bois s’impose comme un matériau de prédilection pour la construction de résilles. Le faible module d’élasticité du bois permet de plier facilement les éléments pour leur donner une forme. De plus, pendant la phase de construction, les éléments peuvent être soumis à des rayons de courbure plus serrés que ceux qu’ils auront dans leur état final [1].

Afin de pousser plus loin les connaissances de ce système constructif, Philippe Charest étudiant en sciences de l’architecture a réalisé un doctorat à la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) sous la supervision M André Potvin et de Mme Claude Demers de l’École d’architecture de l’Université Laval ainsi que de M Sylvain Ménard de l’UQAC. Ses travaux avaient pour objectif de réduire la quantité de matière en concevant des géométries optimisées à l’aide d’un système constructif en bois [2,3]. Pour y arriver, l’étudiant s’est intéressé au potentiel des résilles en bois, suggérant que ce mode constructif soit bien positionné pour répondre aux enjeux contemporains relatifs à la matérialisation de formes complexes. À la suite des différentes analyses réalisées, l’étudiant a proposé une technique novatrice hybride alliant cadrages de bois lamellé-collé remplis par des treillis déformables faits de membrures de petites sections.

Technique hybride alliant des cadrages de bois rigides en lamellé-collé remplis par des treillis élastiques, de membres de petites sections (Crédit : Philippe Charest)

La segmentation de la surface en utilisant une structure primaire de composantes préfabriquées et une structure secondaire de grilles déformables est une avenue intéressante pour la matérialisation de formes libres via l’usage de résille de bois. Ce concept de modularité introduit par la proposition d’une technique constructive hybride s’harmonise davantage avec les considérations économiques des manufacturiers d’éléments structuraux en bois. La décomposition d’une surface initiale en une série de sous-surfaces composées de cadres rigides et de treillis souples favorise la préfabrication en usine et puisque les éléments sont courbés dans une seule direction et que les treillis peuvent être pliés, des éléments plats uniquement sont transportés sur le site. En chantier, il n’est plus nécessaire de contrôler la déformation d’une grille de bois instable et de calculer des scénarios de charges pour déterminer les points d’ancrage de la grue lors du processus d’érection. Les éléments rigides offrent également un contrôle total sur la géométrie finale, ce qui n’est pas le cas avec les résilles élastiques traditionnelles qui peuvent se déformer de façon insuffisante ou excessive. Bien que les cadres soient à l’origine d’une légère augmentation de la quantité de matériau, leurs épaisseurs offrent la possibilité d’ajouter d’autres composantes de l’enveloppe du bâtiment comme l’isolation et d’intégrer plus facilement des ouvertures pour faire pénétrer la lumière. Finalement, cette technique permet de déconstruire les projets aux termes de leur cycle de vie en désassemblant les faces une à une à l’aide d’une grue.

L’évolution de la forme après l’érection d’une résille en bois construite en Norvège a été documenté, mettant en évidence l’importance des connecteurs [4]. Les performances structurelles des résilles ont été évaluées à l’aide de mesures expérimentales, et il a été observé que les caractéristiques mécaniques des connexions entre les différents éléments structurels avaient une incidence significative sur ces performances. La forme des arcs dépend entre autres de la rigidité en rotation des connecteurs.

Enfin, en raison de son faible poids et de sa capacité à se plier et à rester élastique, le matériau bois s’avère un allier à la construction de résilles qui s’imposent comme une solution crédible face aux enjeux formels de la conception numérique puisqu’elles permettent d’accéder à un large éventail de géométries.

Un exemple de résille utilisée en aménagement urbain (Crédit photo : Philippe Charest)
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