De façon intuitive, puisque le bois est un matériau combustible, il semble paradoxal d’affirmer qu’il offre une bonne résistance au feu lorsqu’il est utilisé en structure dans les bâtiments. Néanmoins, la science et l’histoire ont démontré que le bois se comportait de façon très efficace en cas d’incendie.

Crédit photo : Mathieu Létourneau – Gagnon (Circerb)

Le processus est bien simple. Lorsque qu’une structure en bois brûle, elle se carbonise en surface. Cette couche carbonisée permet de protéger les couches sous-jacentes de la pièce en bois, préservant ainsi sa résistance structurale. Plus les éléments en bois sont massifs, meilleure est leur résistance au feu.

Plusieurs villes au Canada ont récemment choisi le bois pour construire leur nouvelle caserne de pompier. Les villes de Longueuil (Qc) et Oakville (Ont.), ont fait ce choix pour la construction de leurs nouveaux bâtiments, entre autres pour la rapidité de construction et la sécurité qu’offre cette structure. Un bon indice que le bois est sécuritaire en cas d’incendie!

Caserne 34 (Ville de Longueuil) (Crédit photo : Adrien Williams)
Architecte − Vincent Leclerc + Associés Architectes
Ingénieurs en charpente − Groupe SM
Entrepreneur général − Unigertec
Fournisseurs de bois – Structure principale: Nordic Structures − Ossature légère: Kéfor Structures Ltée

Comment le bois se compare-t-il aux autres matériaux de construction?

Tous les matériaux de construction subissent des effets thermomécaniques lorsqu’ils sont exposés à un flux de chaleur (dégradation des résistances mécaniques et/ou physiques en fonction de la température) [1]. Néanmoins, les tests scientifiques ont démontré que les éléments massifs en bois utilisés dans la construction offrent des propriétés de résistance à la dégradation par le feu supérieures à celles des autres matériaux utilisés dans la construction, tel que l’acier et le béton [2] [3].

Cette propriété du matériau bois est d’autant plus frappante lorsqu’on le compare à l’acier et au béton dans un contexte d’incendie sévère. Selon l’AITC (American Institute of Timber Construction), l’acier perd 50 % de sa résistance mécanique après 10 minutes lorsqu’il est exposé à un feu normalisé et 90% après 30 minutes, alors qu’il faut presque 3 fois plus de temps au bois pour atteindre le même stade de dégradation structurale [2]. D’ailleurs, en réaction à la chaleur intense due à un incendie, l’acier finit par ramollir et le béton par éclater [3] [4]. Finalement, on considère que le bois transmet 10 fois moins vite la chaleur que le béton et 250 fois moins vite que l’acier [5].

Le bois se consume à la vitesse de 0,65 mm par minute [6] et la section résiduelle (non carbonisée) conserve sa portance malgré qu’un incendie puisse atteindre une température allant jusqu’à 1200°C [7]. Selon L’ICCA (Institut Canadien de la construction en Acier), l’acier commence à se tordre aux alentours de 400°C [8]. Le béton, quant à lui, perd une bonne partie de sa portance vers 650°C. Lorsque soumis à une forte chaleur, il s’effrite en surface dès le début de l’incendie et laisse exposer les barres d’armature métallique, ce qui rend la structure instable et augmente ainsi les risques de défaillance [9] [10].

La très faible conductivité thermique et la faible vitesse de carbonisation du bois font que des éléments massifs en bois non protégés sont capables de résister longtemps en cas d’exposition au feu. Le Code National du Bâtiment au Canada (CNBC) reconnaît cette caractéristique et autorise à plusieurs endroits que des éléments de bois non protégées, notamment des poutres et des colonnes, satisfaisant aux dimensions minimales de la construction en gros bois d’œuvre, soient utilisées quand un degré de résistance au feu d’au plus 45 minutes est exigé par exemple dans des bâtiments de construction incombustible [11].

La construction en bois est-elle soumise aux mêmes normes que tout autre type de bâtiment?

Tout bâtiment, quels que soient les matériaux utilisés pour sa construction, doit répondre à des normes précises en ce qui concerne son degré de résistance au feu. Pour cela, l’ensemble des éléments structuraux sont pris en compte afin de limiter les risques de défaillance. En cas d’incendie, il est alors essentiel de s’assurer de maintenir l’intégralité de l’ensemble des éléments et ainsi éviter un effondrement prématuré, et cela pour une période de temps donnée. Cette période est établie selon les principes de compartimentation véhiculés dans le CNBC [11]. Cette période de résistance au feu doit permettre l’évacuation des occupants et ainsi minimiser les risques de blessure. De plus, elle doit permettre l’intervention des services de lutte aux incendies de façon sécuritaire.

Comment peut-on évaluer la résistance au feu des bâtiments en bois?

Plusieurs méthodes existent actuellement pour déterminer le degré de résistance au feu. Le CNBC permet d’effectuer des essais normalisés (quoique très coûteux), d’utiliser des valeurs génériques que l’on retrouve dans ses annexes, ou d’utiliser des méthodes de calculs reconnues dans les normes de conception (ex : la norme CSA O86).

Avec l’objectif d’obtenir de nouvelles données scientifiques, des tests à grande échelle ont été effectués par FPInnovations au Conseil National de la Recherche du Canada (CNRC) afin de valider la performance au feu d’une gaine verticale de construction massive en bois conçue pour un ascenseur ou un escalier d’issue, à des conditions sévères d’exposition au feu d’au moins deux heures (12). Actuellement le Québec (RBQ) exige que les gaines verticales soient conçues en matériaux incombustibles et offrent une résistance au feu de deux heures pour des bâtiments de 6 étages ou plus. L’objectif du test était une mise à l’essai du mur entre la gaine de sortie et un appartement contigu dans de sévères conditions d’incendie.

Incendie de démonstration d’une structure massive en bois utilisée comme cage d’escalier d’issue ou d’ascenseur (Source : (12), Crédit photo : Christian Dagenais. Tiré de : https://mffp.gouv.qc.ca/les-forets/transformation-du-bois/resistance-feu-structure-massive-bois/ (Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (mffp.gouv.qc.ca))

Les résultats du test à grande échelle ont montré que durant toute la durée de l’incendie, aucun impact n’a été observé à l’intérieur de la gaine en construction massive en bois. Il n’y avait aucun signe d’augmentation de température ni aucune fuite apparente de fumée, procurant ainsi une protection de deux heures permettant de procéder à l’évacuation sécuritaire des occupants et de permettre aux services d’incendie de réaliser leur travail.

Comment augmenter la résistance au feu des structures en bois?

En ce qui concerne les normes de construction, le CNBC contient des renseignements généraux sur le degré d’encapsulation des ensembles et des éléments en bois [11]. L’objectif étant de protéger la structure en bois pour une période de temps maximale avant qu’elle n’atteigne la température de 300 °C, soit la température de carbonisation communément acceptée pour le bois de construction. Pour atteindre cet objectif, deux méthodes sont habituellement utilisées. Puisque la vitesse de combustion du bois est prévisible, la première méthode consiste, dès la conception, à dimensionner les éléments de structure en bois afin d’obtenir un temps supérieur de résistance au feu et ainsi maintenir l’intégrité de la structure. Cette méthode est particulièrement intéressante dans les cas de construction massive en bois de type poteaux-poutres puisqu’elle permet de laisser le bois apparent ce qui procure en plus un gain sur l’esthétique du bâtiment. La seconde est l’utilisation de panneaux incombustibles, tel que le gypse Type X. Le gypse protège le bois et ralentit donc le développement de l’incendie. Cette méthode est utilisée abondamment dans les constructions à ossature légère en bois et dans les bâtiments de construction massive en bois de plus de 6 étages. En complément, la RBQ indique que « Cette méthode est une approche fondamentale dans la protection contre les incendies de tous les matériaux de construction. Elle permet de retarder les effets thermomécaniques d’un incendie sur les éléments structuraux, comme c’est le cas pour la construction incombustible traditionnelle, en plus de retarder la contribution des éléments structuraux en bois à l’incendie. » [2]. Une encapsulation procurant une protection d’au moins 50 minutes est d’ailleurs actuellement obligatoire pour les bâtiments de construction massive en bois de 6 à 12 étages [1].

Encapsulation complète directement fixée sur les éléments en bois (Source : RBQ, 2015)

Comment se comportent les assemblages métalliques en cas d’incendie ?

Un facteur qui doit aussi être considéré lorsque l’on parle de résistance au feu d’une structure en bois, concerne les éléments métalliques qui sont utilisés dans cette structure. En effet, « en situation d’incendie, la haute conductivité thermique de l’acier constitue un point critique de l’assemblage, car les attaches (vis ou boulons) et les plaques métalliques transfèrent la chaleur à l’intérieur du bois et peuvent affaiblir localement la résistance et la rigidité du bois de l’assemblage » [13]. En raison de leur géométrie et leur exposition, certaines attaches se comportent mieux que d’autres. Dans le but d’en savoir plus sur la question, Mathieu Létourneau-Gagnon a récemment réalisé un projet de maîtrise à la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (Circerb) de l’Université Laval. Les résultats obtenus par l’étudiant démontrent une excellente performance au feu des vis auto-taraudeuses pour les assemblages dans la construction massive en bois à la suite d’une exposition au feu de longue durée [14].

Essais de transfert de chaleur d’un assemblage non protégé dans une section en bois lamellé-collé; a) un boulon Ø 15.9×140 mm
et b) une vis autotaraudeuse Ø10×160 mm (Crédit photo : Mathieu Létourneau-Gagnon)

Étant généralement de plus petit diamètre et plus élancées que les boulons et les goujons, les vis limitent le transfert thermique le long de la section transversale en bois et maintiennent la température à la pointe en dessous de 100 °C pour une vis auto-taraudeuse d’un diamètre de 12 mm durant deux heures d’exposition, tandis qu’une température à la pointe d’environ de 165 °C est observée pour un boulon d’un diamètre de 15,9 mm.

Finalement, la Canadian Standards association (CSA) prévoit dans ces normes de calcul (15) que si les attaches sont dissimulées à l’intérieur du bois, elles vont offrir le niveau de protection requis en cas d’incendie.

Assemblages et attaches métalliques entièrement dissimulés après encapsulation
Édifice FondAction (Ville de Québec).
Crédit photo : Circerb

Tous les matériaux ont des forces et des faiblesses, il faut apprendre à les connaître, les utiliser de façon appropriée et d’apporter les solutions pour y remédier. À la lumière de ces informations, il semble donc plus justifié de parler de « sécurité incendie » que de matériaux « Combustibles ou incombustibles ».

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